Publié le Mai 04, 2023Mis à jour le Novembre 29, 2023
« Le Café de Paris Monte-Carlo, c’est une brasserie parisienne en terre méditerranéenne. » En quelques mots, Victor Marion résume l’esprit si particulier de la mythique brasserie monégasque dont il est maintenant le chef. Après des pérégrinations dans de belles maisons, le voici de retour à Monaco, prêt à écrire, avec sa brigade, le prochain chapitre d’un établissement de légende. Rencontre avec un chef audacieux et enthousiaste.
Vous avez fait vos gammes à Nice puis à Monaco, à l’Hôtel Hermitage Monte-Carlo… Mais comment vous êtes-vous intéressé à la cuisine ? Êtes-vous tombé dans la marmite quand vous étiez petit ?
J’ai toujours voulu faire de la cuisine, sans jamais savoir vraiment pourquoi ! Mon père était menuisier-ébéniste, et personne dans la famille ne travaillait en cuisine. Même si ma maman cuisinait très bien, je ne baignais pas dans un univers gastronomique.
C’est ce qui s’appelle la vocation !
Exactement… Quand j’ai commencé mes études, ma famille m’a encouragé. Ils étaient ravis que j’aie une idée précise en tête. Moi qui n’étais pas très investi dans les études générales, j’ai commencé à très bien m’en sortir à partir du moment où j’ai entamé mon cursus dans l’hôtellerie-restauration. J’excellais même dans les matières comptables et de gestion : tout m’intéressait, car tout était lié au métier de la cuisine.
Votre premier contact avec la haute gastronomie ?
Je n’avais jamais mis les pieds dans un restaurant étoilé. Tout cela s’est ouvert à moi lors de ma première immersion dans l’hôtellerie de luxe, à l’Hôtel Hermitage Monte-Carlo. Une découverte fantastique. À Monaco, on voit des choses uniques ! En une saison, ce sont des événements incroyables comme le Grand Prix de Formule 1, et puis des clients hors du commun…
Vous avez alors compris que c’est dans ce monde que vous vouliez évoluer ?
Cela a été un déclic. Rien ne pouvait être aussi intéressant que ces hôtels de luxe, ces produits incroyables, ces chefs étoilés… Oui, j’étais absolument sûr de vouloir y évoluer.
À l'Hôtel Hermitage Monte-Carlo, Joël Garault a été votre mentor : que vous a-t-il transmis ?
Joël Garault est un grand chef, Compagnon du Tour de France, longtemps étoilé. Parmi tout ce qu’il m’a appris, j’ai toujours retenu cette phrase : « On doit toujours être en recherche de perfection. » Sa vision, c’est qu’à tout niveau, chacun doit viser l’excellence. Qu’on prépare une crêpe pour le petit déjeuner ou un plat dans un étoilé Michelin, un trait de pinceau dans une assiette ou une pincée de sel pour assaisonner un produit, on ne peut pas se contenter de l’à-peu-près. Cela a façonné ma façon de travailler. Et puis c’est sous sa recommandation ou via son contact que j’ai pu travailler dans de grandes maisons. Avoir la confiance d’un mentor est une chose précieuse. Au fil des années, notre relation est restée intacte.
Votre philosophie en cuisine ?
La simplicité, afin de faire plaisir aux gens. Quel que soit l’établissement où l’on travaille, on s’aperçoit que les besoins fondamentaux de nos clients sont les mêmes : ressentir des émotions, prendre du plaisir. Bien sûr la dimension technique et esthétique est importante, mais plus on avance dans sa carrière, plus on cherche à aller à l’essentiel : de bons produits, des choses très identifiables et qui provoquent des émotions gourmandes. Il est plus compliqué de ramener les clients à des émotions très binaires qui font naître du plaisir que de les éblouir avec des effets visuels. Au début de sa carrière, on veut prouver des choses en ajoutant des éléments. Par la suite, c’est en en enlevant qu’on fait ses preuves. Maintenant, quand je goûte les plats que me proposent les équipes, j’ai tendance à dire : qu’apporte cet élément ? Ne vaut-il pas mieux aller plus loin sur le produit de base ?
Le conseil que vous donnez à ceux qui débutent à vos côtés ?
Le même qu’on m’a donné à mes débuts : prendre le temps d’apprendre le métier. C’est comme en musique : il faut faire ses gammes. Moi aussi, j’ai été “tout feu tout flamme”, je ne prenais pas le temps d’assimiler complètement les choses. Aujourd’hui, les jeunes ont accès à du contenu, toute la journée. Tellement qu’en un an parfois, ils ont l’impression d’avoir fait le tour du métier. Je les encourage à prendre le temps de savourer, d’autant qu’on ne peut pas revenir sur ses années d’apprentissage. Et en vieillissant on est beaucoup plus perméable à la connaissance, il me semble.
Comment peut-on encore évoluer et s’améliorer après des années de carrière ?
À un moment donné, la seule chose qui soit plus intéressante que la cuisine, c’est la transmission ! Pour continuer à grandir, il faut faire grandir les autres. Alain Ducasse le dit : ce sont les chefs qu’il a formés qui font sa cuisine. Très tôt, il a consacré sa carrière à déceler des talents pour leur transmettre sa vision des choses.
Vous en parliez tout à l’heure, les grandes maisons sont le fil conducteur de votre carrière. Qu’est-ce qui fait une grande maison ?
Cela peut être l’histoire de la maison qui fait sa renommée. Des établissements de prestige qui existent depuis des décennies, comme le Meurice, le Negresco, l’Hôtel de Paris Monte-Carlo ou l’Hôtel Hermitage Monte-Carlo. Cela peut aussi être un grand chef à leur tête, et puis tous ceux qui y travaillent et perpétuent l’excellence du nom. Quand on entre dans ces grandes maisons, on absorbe l’ADN de l’entreprise, on est happé vers le haut, et cela nous pousse à l’excellence.
Vous avez pris les commandes d’une institution : le Café de Paris Monte-Carlo. Que représentait cet établissement dans votre imaginaire ?
Il a toujours représenté la brasserie intemporelle, celle qui a traversé les époques, avec sa cuisine canaille qui a pour mission de procurer un sentiment réconfortant à ses clients. C’est aussi pour moi la porte d’entrée dans les établissements de Monte-Carlo Société des Bains de Mer pour les clients. La première porte que les gens peuvent pousser pour entrer dans le glamour et la légende : aller manger en face du Casino, un plat simple, boire un verre en terrasse… D’ailleurs lorsque j’ai commencé à travailler à Monaco, mon père m’a emmené y déguster un plateau d’huîtres et un saumon fumé ; pour lui c’était le mythe. C’est tout l’intérêt du lieu : un établissement prestigieux connu dans le monde entier, et pas uniquement par une clientèle pointue en termes de gastronomie. C’est une adresse connue du plus grand nombre, au même titre que les grandes brasseries parisiennes.
À quoi ressemble la carte avec Victor Marion comme chef ?
Le Café de Paris Monte-Carlo, c’est une brasserie parisienne en terre méditerranéenne. C’est un restaurant qui a été ouvert avant 1900, bâti sur les grands codes de la brasserie. Il s’agit bien sûr de garder une continuité dans cette grande histoire culinaire. Il me semble qu’il y a un mariage de raison à créer entre la culture italienne et monégasque, et les codes d’une brasserie parisienne. Nous allons beaucoup sourcer nos produits, travailler de près avec les producteurs et introduire plus de saisonnalité, plus de mouvement sur la carte. Nous avons aussi envie de faire une cuisine de partage pour proposer aux clients une expérience : un beau service en salle, une découpe, des choses flambées… Ce qui fait l’ADN de ces brasseries. On y attend cette simplicité, ces moments vivants. La crêpe Suzette, flambée devant les gens, continuera d’émerveiller, c’est certain.
De nouveaux plats signature ?
La signature, c’est le restaurant lui-même ! Plutôt que des plats signature, ce sont des recettes que nous allons nous approprier ensemble. Œufs mimosa, poireaux vinaigrette, pâté en croûte, tête de veau, vol-au-vent, crêpe flambée, baba au rhum… Une cuisine canaille qui plaît à tout le monde, de grands classiques revus avec notre touche, notre savoir-faire.
Le Café de Paris Monte-Carlo, c’est un établissement ouvert à toute heure, ou presque. Comment est-ce qu’on pense cela, côté cuisine ?
Ce fil conducteur de restaurant qui ne dort jamais va forcément nous embarquer dans la création de la carte. Au fil du temps, notre clientèle va créer notre identité, par ses attentes. Elle peut venir déjeuner sur le pouce avant de retourner travailler, ou manger une escalope milanaise à 15 h après une promenade… À toute heure, on peut commander un steak au poivre ou une crêpe Suzette au Café de Paris Monte-Carlo. Et finalement, l’heure importe peu. Je pense qu’un restaurant doit avoir la même identité du matin au soir. Les clients doivent avoir accès à des choses similaires à tout moment.
Que pouvons-nous vous souhaiter pour cette belle aventure ?
Que la clientèle soit présente. Que nous fassions honneur au Café de Paris Monte-Carlo et à ce nouveau lieu magnifique. C’est tout le mal qu’on peut se souhaiter !
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